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siècle. Victor Hugo aussi bien que Voltaire, et Schiller aussi bien que Scribe, sont des élèves de Racine et de Corneille : c’est le même art de poser un sujet, de le nouer, de le dénouer, de le développer par une suite de combinaisons ingénieuses, par une succession de coup de théâtre qui précipitent ou suspendent l’intérêt, et tiennent toujours la curiosité en éveil. La tragédie grecque ne nous offre rien de pareil. Sauf dans l’Œdipe roi, qui reste le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre, l’action est partout d’une simplicité qui va jusqu’à la naïveté ; elle s’écoule comme un fait de la vie ordinaire. Les situations arrivent l’une après l’autre, sans préparation, sans explication, sans développement. Les principaux personnages n’ont parfois qu’une seule scène.

A ces différences essentielles s’en ajoutent d’autres moins importantes et qui se peuvent résumer en un mot : les poètes antiques ne suivent que la nature et ne s’effrayent jamais de la réalité. Nos poètes subordonnent la nature et la réalité aux règles. Les règles ! Ce quelque chose d’abstrait, d’un peu factice et de fort, qui solidifie nos chefs-d’œuvre mais les ébranche.

Comment deux écoles, établies sur des principes