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mesure, plus de réserve, plus de goût, sans cesser de suivre la même ligne, et de garder le même caractère. Mais, tout à coup, elle jeta dans la grande scène du IVe acte un effet inattendu, un élément dramatique nouveau !... Elle y ajouta la pureté, la chasteté, la poésie ! le pathétique ! Quand le Tartuffe commença à étaler sa grossière convoitise, Mlle Mars, en face de ces regards lubriques, de cette pantomime lascive, fut comme saisie d’un sentiment d’horreur et de dégoût ! L’honnête Elmire se révolta ! Là où Mlle Contat amusait et faisait rire par son embarras comique, Mlle Mars toucha par son angoisse. On eût dit qu’elle était aux prises avec un monstre hideux. Elle se repliait sur elle-même, elle s’enveloppait de pudeur, et toute son âme éclata enfin dans ce cri :

 
Oui, je suis au supplice !...


Une telle trouvaille est un trait de génie. Tout le personnage s’en est trouvé renouvelé ; on voit le fond intime du cœur de l’honnête Elmire. Pour la première fois, apparaît tout entière la conception du poète, et voilà comment Mlle Mars a été supérieure à Mlle Contat dans Tartuffe, c’est qu’elle a été à la fois Mlle Contat et Mlle Mars.