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se défendre ? Je ne doute pas que ce ne fût là l’opinion de Molière, mais il ne l’exprime pas. Il ne s’occupe que de peindre la nature... Il vous représente Isabelle telle qu’il la voit ; à vous de la juger !

J’en dirai autant de Henriette des Femmes savantes. Qu’est-ce que Henriette ?... Une ingénue ?... Elle a l’air d’en savoir bien long pour quelqu’un qui ne sait rien. Comprend-elle tout ce qu’elle dit ? Le dit-elle sans le comprendre ? Autant de mystères, qui n’arrêtent pas Molière, car il sait bien, lui, que le cœur des jeunes filles est plein de dessous, obscur pour elles-mêmes, qu’elles parlent souvent par instinct, par divination... et il a créé ce délicieux et inquiétant personnage de Henriette, qui n’en reste pas moins un modèle de pureté et de franchise.

Au premier rang de ces créatures mystérieuses et indéfinissables, il faut placer Elmire.

Son rôle aussi se compose de deux éléments absolument discordants. Ce qu’elle fait est en opposition complète avec ce qu’elle est. Je ne trouve, pour la définir, qu’un seul mot : c’est la plus honnête femme du monde, qui agit comme la plus habile des coquettes. J’ai vu, dans le rôle d’Elmire, deux actrices, l’une