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Ah ! mon Dieu ! je vous prie,
Avant que de parler, prenez-moi ce mouchoir...
...Couvrez ce sein que je ne saurais voir.
Par de pareils objets les âmes sont blessées
Et cela fait venir de coupables pensées.


Est-ce assez clair ? De tels vers n’imposent-ils pas à l’acteur des simagrées pudibondes que souligne et que traduit le couplet de Dorine :

 
Vous êtes donc bien tendre à la tentation !


Chacun des mots de cette tirade rabelaisienne met le public en hilarité.

Oui ! Il faut que Tartuffe fasse rire ! Il faut que sa paillardise fasse rire ! Il faut que ses mômeries fassent rire ! Molière l’a voulu ! mais il a voulu aussi qu’il fit frémir !... Sa scène avec Cléante nous révèle en lui le plus retors des casuistes ; sa scène avec Orgon, un maître dans la connaissance du cœur humain et dans l’art de le manier ; les deux scènes avec Elmire, le plus profond des corrupteurs ; enfin, au IVe acte, quand il jette le masque, ce vil coquin prend tout à coup les proportions d’un monstre. Il recule les bornes de l’ingratitude humaine. Il spolie son bienfaiteur ! Il chasse son bienfaiteur ! Il dénonce son bienfaiteur ! Il le livre à la justice royale ; et tous ces crimes, il les commet, la tête si haute, avec une si superbe