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ALBUM DE LA MINERVE.

de temps à perdre, chaque minute diminue nos chances de succès.

Un quart d’heure après, la petite troupe augmentée de Maximus avec ses amis était rangée en ordre dans l’avenue, lorsque le père Chagru arriva en courant la figure longue d’une aune.

— Echappé, échappé ! cria-t-il entre deux soupirs.

— Qui ça ? fit Kobus.

— L’intendant, Gilles Peyron !

On courut au hangar Gilles avait été enfermé. Les menottes étaient suspendues à un clou et le prisonnier avait disparu avec l’homme qui devait le garder.

— C’est bien ; dit Laurens, je sais où nous le retrouverons, ce n’est que partie remise.

En route et dépêchons-nous !

Il se remit à la tête de la petite troupe qui s’éloigna rapidement vers la caverne du Pic Bleu.

Un peu après 5 heures, on fit halte en face de l’entrée. Rien ne bougeait ; toute la montagne semblait endormie.

En écoutant avec attention, cependant on pouvait distinguer un bruit sourd à l’intérieur comme le grondement d’une fournaise ou le bruit du vent sur les eaux.

Les assiégeants étaient au nombre d’environ 60 hommes.

Laurens avait pris le commandement en chef, ayant Kobus en qualité de lieutenant.

Avant de ne faire aucune démarche et pendant que les hommes étaient encore sous le couvert, Laureus appela à l’écart Maximus, Kobus, et les principaux de la troupe, et développa son plan.

— J’ai ici, dit-il une description que j’ai raison de croire fidèle, de l’intérieur de la caverne — si du moins Landau ne m’a pas trompé. D’après cette description, je conclus que la grotte doit avoir trois issues, Celle que nous avons devant nous, une autre au sommet de la montagne et une troisième sur le versant de l’ouest, à l’endroit où la source qui est mentionnée sur ce plan doit s’échapper.

L’entrée par le plateau est impraticable — pour le moment du moins. Celle du sommet est dangereuse. La plus longue mais la plus sûre doit être celle du versant opposé.

Dans tous les cas, nous avons le temps ; notre ennemi est engagé. Qui sait ? Peut-être d’ici à demain, voudra-t-il capituler.

— Vous ne le connaissez pas, dit Landau, il se laissera mourir de faim ou se fera sauter avec tous ses hommes avant de capituler.

N’importe, dit Laurens, notre devoir est de tâcher d’épargner les vies autant que possible et de n’employer les moyens violents qu’à la dernière extrémité.

Après avoir conféré avec Maximus et s’être entendu sur l’approvisionnement de la troupe, il sépara ses hommes en trois détachements dont l’un s’établit en face du plateau, protégé par une palissade en tronc d’érables ; Maximus et Kobus avaient la responsabilité de ce poste ; le second détachement, sous l’ordre de Duroquois — qui avait été capitaine de milice dans son temps, se mit en route pour trouver l’entrée du Sommet et en garder l’ouverture, ou tenter une descente, si la chose était praticable. Laurens lui-même prit le commandement du troisième corps qui devait tenter l’issue du versant Ouest de la montagne.

Pour arriver là, il fallait faire un assez long détour à travers le bois, dans un chemin difficile.

Landau servait de guide.

Après deux heures d’une marche pénible, la petite troupe arriva en face du versant Ouest au-dessous de la source dont l’écume blanche s’apercevait à une hauteur de près de trois cents pieds.

Du premier coup d’œil, Laurens vit que l’accès de la caverne par ce côté était à peu près impossible, car un seul homme au sommet des rocs pouvait tenir tête à une légion d’assaillants.

Il cacha la troupe sous un pli de rocher, et partit avec Landau pour explorer les alentours.

Les deux hommes, se glissant à l’abri des roches pour ne pas être aperçus d’en haut, s’avancèrent ainsi l’espace d’environ cinq cents verges, quand tout-à-coup Landau poussa un cri étouffé et disparut au milieu d’une touffe de rosiers sauvages. Laurens s’élança immédiatement vers cet endroit, et en écartant les branches avec précaution, il aperçut, dans le roc, un trou noir, d’un diamètre d’environ quatre pieds et qui semblait descendre à pic jusqu’à une assez grande profondeur.

(À Continuer.)