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danger qui s’avançait ; et l’on sait comment le cabinet fut défait au mois d’octobre de cette même année.

En 1881, M. Mercier, fatigué des luttes qu’il avait soutenues et éprouvant, d’ailleurs, le besoin de consacrer tout son travail aux intérêts de sa famille, qu’il avait dû nécessairement négliger, vint s’établir à Montréal et annonça son intention bien arrêtée d’abandonner la politique pour se donner tout entier à sa profession. Mais il avait déjà fourni une carrière trop remarquable et trop utile à son pays pour que sa retraite fût aussi facilement acceptée.

Ses amis de toutes les parties de la province, surtout de la région de Montréal et de Saint-Hyacinthe, adversaires aussi bien que partisans, le pressèrent de revenir sur sa décision et firent tant d’instances, qu’à la fin il fut obligé de se rendre à leur désir. Le comté de Saint-Hyacinthe l’élut par acclamation.

C’est à cette époque qu’il y eut plusieurs pourparlers au sujet d’une coalition, d’abord avec M. Chapleau, ensuite avec M. Mousseau, dans le but de donner à la province une force et une impulsion nouvelles par la réunion de ses meilleurs éléments. Du reste, M. Mercier a toujours manifesté ce désir d’élargir les bases de la politique. Les partis, cependant, ne purent pas s’entendre sur les concessions qui devaient être faites de part et d’autre.

En 1883, M. Mercier est nommé chef de son parti pour la province.

C’est ici que commence sa véritable carrière politique et qu’il va déployer sur un plus large théâtre, ou du moins dans des sphères plus variées, les puissantes qualités qui le distinguent ; c’est ici qu’il va affirmer son incontestable talent de meneur d’hommes et de grand capitaine. À la tête d’une phalange peu nombreuse, mais dévouée, il se multiplie et semble présent à la fois sur tous les points. Aucun sujet de discussion ne lui est étranger : finances, statistiques, instruction publique, agriculture et colonisation, bois et forêts, travaux publics, droit, questions constitutionnelles, commerce et industrie, il aborde tout et fait preuve de la plus vaste érudition, en même temps que d’une singulière puissance de parole. Son réquisitoire, lors du débat sur l’adresse en réponse au discours du trône, le 22 janvier, 1883, et ceux qu’il prononça dans des circonstances analogues, les années suivantes, offrent des passages d’un effet saisissant, qui donnent facilement une idée de la diversité et de l’étonnante fécondité de son talent.