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peut-être quelque peu intimidée. Maîtresse de son rôle dans tous ses détails, elle a marché sur les fleurs du commencement à la fin, et elle a été partout artiste de premier ordre.

« Le charme de cette artiste, dit M. Charles Villa, c’est qu’elle ne vise pas à l’effet et l’obtient sans le chercher ; il semble que la nature l’ait créée ainsi oiseau chantant. Et cette voix est fraiche comme un murmure cristallin, les notes s’égrènent ainsi qu’un collier de perles dont le fil d’or se dénouerait. On est tout d’abord soumis au prestige de cette suave jeunesse, puis à mesure que l’on écoute, on aperçoit quelle somme de talent s’ajoute aux dons naturels ; on reste émerveillé de ce phrasé élégant, de ce sentiment juste du rythme, du velouté des gammes chromatiques, de la ferme netteté des staccati, bien piqués, de la certitude des intonations…

« Dans une voix aussi étendue, car elle embrasse deux octaves et Mlle Albani monte sans peine jusqu’au ré naturel et même au mi bémol, les notes du médium, sonores, sans excès de volume, sont très-pleines, très rondes…

« Son personnage (de Lucie), posé tout d’abord avec une nuance de mélancolie tendre et pénétrante tout-à-fait dans la couleur locale, s’est développé graduellement jusqu’à l’explosion du troisième acte. Arrivée à cette terrible scène de folie, elle s’est emparée de l’auditoire aussi bien par son jeu, que par son chant admirable ; les mouchoirs s’agitaient ; les mains claquaient à tout briser, et cinq rappels successifs ont ramené cinq fois l’artiste émue, devant un auditoire exalté jusqu’au délire »…