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et puis je lui ai fait la leçon pour lui dire qu’elle devait se dérober à ses entretiens, ne pas admettre de messagers, ne pas recevoir de cadeaux. La leçon faite, mes conseils ont porté fruit, et se voyant repoussé, il est tombé dans la tristesse… de là dans l’égarement, etc ». En réalité, la conduite d’Hamlet, « repoussé », est tout à fait semblable à celle de Varambon. De chaque côté, scènes pénibles entre les deux jeunes gens. Changement agressif de l’amoureux : son indifférence apparente (Hamlet, III, 1) ; il paraît renoncer à sa passion. Trouble profond de la jeune fille, en présence de cette attitude glaciale ; elle fait tout pour dissimuler son chagrin. Dans l’histoire, au moment du départ de l’aimé, la grande crise éclate à Namur où la rencontre a eu lieu, sur le bateau de Meuse qu’il vient de quitter et où s’embarquent, avec la jeune fille et sa mère, la reine et toute sa suite. Après l’adieu général, on assiste aux cris, aux douleurs mortelles de l’abandonnée. Ses souffrances morales sont telles qu’elle meurt au bout de huit ou dix jours. Dans Hamlet, même processus. Le prince quitte la cour de Danemark et s’embarque pour gagner l’Angleterre. Effondrement moral de la pauvre Ophélie ; sa raison sombre. Elle se noie sans y penser, dans un cours d’eau, près d’un saule. D’un côté comme de l’autre, la crise survient après le départ de l’aimé pour un voyage. Mais ce n’est là qu’un rapprochement d’ensemble : nous allons entrer dans une série de ressemblances concrètes, bien faites pour supprimer toute incertitude. Il s’agit de la scène célèbre des obsèques d’Ophélie. Quel en est le caractère essentiel ? Un amoureux qui a délaissé la jeune

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