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terreux, qu’il a dans le sang et qui jaunit ses phrases pleines, et qui donne à ses improvisations le ton des médailles en vieil or.

« Portant la peine de cette jaunisse révolutionnaire, ayant une sensibilité d’écorché, lui, l’avocat des saignants ! blessant les autres sans le vouloir, ce blessé ! mais plein d’honnêteté et de courage — et sa vie parlant aussi haut que son éloquence en faveur de ses convictions. Ce Lefrançais là est le grand orateur du parti socialiste. »


Je n’ai pas connu Lefrançais à cette époque de sa vie, mais j’ai retrouvé l’impression de Vallès dans les souvenirs des vieux républicains qui payèrent de leur parole et de leur personne, aux dernières années de l’Empire.

Lefrançais et son ami Briosne, le feuillagiste, se firent réellement écouter et comprendre entre tous, à partir de ces réunions du Vaux-Hall, en 68, où le premier abordait résolument les questions relatives au sort de l’ouvrière, au travail des femmes, à leur rôle, à leurs droits et à leurs devoirs sociaux ; tandis que Briosne, miné par la phtisie, mort prochain parmi les vivants, revendiquait pour eux la possession du capital, de l’outillage héréditaire et poli à la peine par les générations antérieures.

Cette ardeur et cette fièvre, ils les portaient partout pendant deux ans, de Montparnasse à Ménilmontant, de la rue Mouffetard à la place du Trône, de la rue du Bac au boulevard Rochechouart, du boulevard des Invalides à la rue de Belleville.

Il n’est pas possible de citer les salles du Pré-aux-clercs, de la Redoute, du Vieux-Chêne, des Barreaux-Verts, des Folies-Belleville ; de nommer ces clubs : Favié, Ragache, Robert, Budaille,… sans évoquer Lefrançais et Briosne, au premier rang des révolutionnaires qui répandaient, avec la haine du régime impérial, les doctrines de Proudhon, de Fourier, de Cabet, de Blanqui, de Raspail et de Louis Blanc.