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nement exclusivement composé de ses amis. Barbès y court pour le renverser. Il n’a pas cette peine. Blanqui désespérant de voir aboutir la situation, s’est simplement retiré, imité par Raspail.

Albert seul est à l’Hôtel de ville, entouré de quelques républicains plus ou moins connus, lorsque Barbès y arrive. On perd son temps à faire des listes de gouvernement.

Seul des membres de la commission exécutive qui, le 4 mai, a succédé au Provisoire, Lamartine n’a pas perdu la tête. Il fait arrêter le général Courtais, commandant la garde nationale, suspect d’avoir favorisé l’envahissement de l’Assemblée. Il fait battre le rappel dans les quartiers bourgeois. Puis, accompagné de Ledru-Rollin qu’il entraine pour ainsi dire, tous deux, à cheval, à la tête des bataillons de l’ordre, se dirigent rapidement sur l’Hôtel de ville, dont ils reprennent paisiblement possession. À six heures du soir tout est fini. Barbès, Albert, le général Courtais et quelques-uns de ceux qui les entouraient, arrivent, sous bonne escorte, à Vincennes, dont les lourdes portes se referment sur eux.

Barbès y pourra méditer longtemps sans doute sur la reconnaissance dont le paient ses amis du Provisoire, pour avoir mis ses coupables rancunes au service de leurs menées réactionnaires.

Les députés redevenus braves — tout danger ayant disparu — retournent à leur sièges et se félicitent mutuellement d’avoir sauvé la République… et l’ordre surtout.



Huit jours après, — le 21 mai — les plus connus des républicains étant en prison, où Raspail et Blanqui, traqués comme des fauves par la police, sont allés les rejoindre, le gouvernement offre aux Parisiens la fée de la Fraternité ! — Par ironie sans doute,