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vrier, le mouvement commence par les cris de « Vive la réforme ! vive le droit de réunion ! » C’était dans l’air… On nous tire dessus ; la question se corse et on culbute la boutique de Louis-Philippe. La République est faite. Mais aujourd’hui, au lieu de crier « — Vive Ministère du travail » — qui seul, est en cause — on se met à crier « Vive la Pologne ! » — Les prêtres aussi crient vive la Pologne ! et ça me paraît louche. Enfin ça ne fait rien. On culbute l’Assemblée, Mais les uns parlent de la Pologne et veulent la guerre contre la Russie ; les autres demandent le « droit au travail » et son organisation. On ne s’entend pas. Les uns courent à l’Hôtel de ville, les autres restent à l’Assemblée. Pendant ce temps-là, les malins reprennent courage et crac !… nous sommes encore enfoncés cette fois !

À deux heures, en effet, cent mille hommes, sans armes, arrivaient sur l’Assemblée dont les grilles sont bientôt forcées. La salle des séances est envahie. Le président Buchez prend peur et s’affale sous le bureau. Blanqui, Barbès et Raspail prennent la parole et adjurent les députés encore présents de donner satisfaction au peuple en s’occupant de sa misère. Tout à coup, apparaît Huber, un ancien détenu politique également. Il s’empare de la tribune sur laquelle il plante un grand écriteau portant cette inscription : « Au nom du Peuple, l’Assemblée est dissoute ! » [1].

Les députés se séparent ou plutôt s’enfuient sans protestations.

On fait croire alors à Barbès que Blanqui se trouve déjà à l’Hôtel de ville, à la tête d’un nouveau gouver-

  1. Peut-être injustement accusé de trahisons policières envers ses co-détenus, sous Louis-Philippe, Huber joua en somme, au 15 mai un rôle très équivoque. Gracié sous l’Empire, il s’y rallia au point d’en tenir plusieurs concessions de travaux publics, celle entre autres relative à la construction du boulevard Richard-Lenoir qui recouvre n canal Saint-Martin, (N. de l’A.).