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En vain, dans une protestation des plus pathétiques, Blanqui rappelle les luttes auxquelles il a pris part dès sa jeunesse, au nom de la République. En vain il démontre qu’il a tout sacrifié, liberté, carrière, avenir, santé, joies de la famille ; en vain il compare sa misère actuelle, ses cheveux blanchis à quarante-trois ans à peine, à la situation florissante de ses adversaire ayant toujours grassement vécu et tiré parti de leurs prétendues convictions. Rien n’y fait.

La niaiserie des uns, l’indifférence du plus grand nombre sont venues en aide aux intrigues des roublard de la politique.

Blanqui a obtenu à peine vingt mille voix !

Le jour de la vraie République — celle du peuple — n’est pas encore arrivé.

Hier, 15 mai, il s’en est fallu de peu que la Constituante n’eût vécu et aussi notre République légale.

Son refus d’examiner seulement le projet de création d’un « ministère du travail » présenté par Louis-Blanc, avait mis le feu aux poudres.

Que ce projet eût été rejeté comme insuffisant n’atteignant pas le but qu’il se proposait, cela pouvait s’admettre. Mais voter dédaigneusement l’ordre du jour pur et simple sur la question même, c’était déclarer trop net l’intention de ne se point occuper des travailleurs.

La réplique ne s’est pas fait attendre.

Malheureusement, au lieu de rester sur ce terrain si précis, on s’est avisé de prendre la libération de la Pologne comme champ d’action. On pensait ainsi donner plus d’élan aux manifestants ; mais par cela même, on a manqué de cohésion et, faute d’un but moins vague, on n’a pas su profiter de la victoire, obtenue d’abord sans coup férir.

C’est ce que vient de m’expliquer mon vieil ami qui, pas plus que Blanqui, n’était partisan de jouer la partie sur cette carte.

— Comprends la différence, m’explique-t-il. Le 22 Fé-