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nettement séparés de l’Hôtel de ville, Pierre Leroux, Cabet, Raspail, Thoré, entre autres, ils sont restés sur le carreau. C’est, en somme, la liste de l’Archevêché qui a triomphé.

Victor Considérant — le chef de l’école fouriériste — a été nommé dans le Loiret.

La candidature de Blanqui a été combattue avec une âpreté qui dénote assez la peur qu’il inspire. Les républicains de la Réforme et du National, c’est-à-dire le clan des Ledru-Rollin, Caussidière et consorts d’un côté, et de clan des Marrast, des Marie, des Arago de l’autre, et enfin jusqu’à Barbès et ses amis se sont donné le mot contre lui.

C’est le sieur Taschereau, le rédacteur de la Revue rétrospective qui s’est chargé de l’affaire.

Exhumant des cartons de la police de prétendus rapports relatifs à la participation de Blanqui et de ses compagnons des Saisons à l’insurrection du 12 mai 1839 — à la suite de laquelle Barbès et Blanqui furent condamnés à mort — la Revue représente Blanqui comme ayant trahi ses camarades pour sauver sa tête.

La publication de ces pièces, très habilement groupées, fut un coup de foudre pour ceux qui voyaient en Blanqui un des rares républicains ayant vraiment conscience du but à atteindre.

Mais le mot de Beaumarchais est d’une cruelle vérité, surtout en politique, lorsqu’il s’agit d’influencer les masses, hors d’état de vérifier les dessous des cartes :

« La calomnie ? J’ai vu les plus honnêtes gens près d’en être accablés. »

À Paris même, bien peu de personnes s’étaient mêlées sous Louis-Philippe aux derniers mouvements insurrectionnels. Pour les quatre cent mille votants de la Seine, Blanqui n’est qu’une expression révolutionnaire — rien de plus. — Il n’est personnellement connu d’aucun d’eux.

Ceux qui veulent se débarrasser de ce clairvoyant le savent bien et ont beau jeu.