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portant les numéros d’ordre et d’arrondissement de chacune d’elles.

Devant chaque section se trouvent quelques pelles, pioches et brouettes — en nombre très insuffisant d’ailleurs — ornées de fleurs et de rubans et qui, dans le principe, devaient leur être distribuées par les membres gouvernement.

Il va sans dire qu’aucun d’eux ne se présente. Ils sont remplacés par les orateurs les plus connus des clubs, qui dénoncent avec véhémence les intrigues ourdies contre la République.

Puis, bannière en tête, les assistants, massés en colonne et dont quelques-uns portent sur l’épaule les pelles et les pioches trouvées au Champ de Mars, se mettent en marche, par les quais de la rive gauche, sur l’Hôtel de Ville.

Plus il en approchent, plus ils rencontrent d’hostilité ; Ledru-Rollin a tenu parole et a fait battre le rappel. Les gardes nationaux du quartier Saint-Germain, notamment, sont accourus en armes. Malgré tout, la tête de la manifestation arrive paisiblement au pont d’Arcole qu’elle s’apprête à traverser.

Là se trouvent les gardes nationaux du xiie arrondissement ; le colonel, Barbès, déclare aux manifestants qu’il ne leur livrera pas passage. Il a suffi aux Arago d’évoquer le nom de Blanqui pour obtenir le concours de ce trop sentimental révolutionnaire qui, à son tour, abusant de sa popularité, met sa haine stupide au service de la réaction.

Devant cette attitude inattendue, la colonne hésite et reflue. Les gardes nationaux formant la haie se jettent alors, baïonnette au fusil, sur les manifestants désarmés et surpris. La colonne est coupée sur tous les points et bientôt dispersée aux cris de :

« Mort aux Communistes ! Mort à Blanqui ! Mort à Cabet ! »

Le bruit même de la mort de ceux-ci circule dans la