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d’entretenir des danseuses avec nos vingt-trois sous quotidiens !

Le Provisoire est enchanté au fond. Il laisse se propager le bruit que les Ateliers nationaux sont le fruit des idées de Louis Blanc qui les aurait organisés, alors que leur création est due en réalité aux calculs perfides de l’avocat Marie et de ses copains du National, pour faire pièce aux socialistes.

S’il n’y avait que Louis Blanc de compromis dans l’affaire, il n’y aurait pas grand mal. Il a bec et ongles pour se défendre. Malheureusement, la dignité et l’avenir même des travailleurs sont en cause.

Voilà comment on les récompense des « trois mois de misère » mis au service de la République !

Le contrat a pourtant bien failli être rompu aujourd’hui, 17 mars.

Hier, les anciens bataillons de la garde nationale, désireux de conserver leurs cadres et de ne laisser ainsi pénétrer chez eux aucun élément révolutionnaire, étaient venus à l’Hôtel de ville protester contre le décret supprimant les compagnies d’élite de grenadiers et de voltigeurs. Ils étaient arrivés aux cris de « À bas Ledru-Rollin ! À bas Louis Blanc ! » auxquels ils en attribuent l’initiative.

La foule des curieux les avait d’abord laissé passer avec assez d’indifférence. Mais comprenant alors ce dont il s’agit en réalité, on s’est mis aux trousses des manifestants, et, en quelques minutes, il n’en est rien resté que des centaines de bonnets à poils et de pompons jonchant le pavé ou descendant mélancoliquement le cours de la Seine. Quant à leurs propriétaires, ils avaient disparu aussi rapidement que le permettait leur obésité.

Le soir même, les clairvoyants de la situation s’entendirent pour une contre-manifestation, et aujourd’hui