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Dix hommes composent une escouade, quatre escouades une brigade ; trois brigades une lieutenance, quatre lieutenances une compagnie et enfin trois compagnies une section, représentant un quartier d’arrondissement.

Les sections sont commandées par les élèves de l’École centrale, portant de coquets tricornes, le pantalon et l’’habit de drap bleu barbeau, à galons et boutons d’or et un gilet blanc à la Robespierre. Ils portent aussi l’épée… naturellement, ce qui leur donne l’air de généraux d’opéra-comique

Le directeur, Émile Thomas — un ancien de l’École — et le sous-directeur, Jaime — un vaudevilliste du Palais-Royal — portent tous deux le même uniforme… avec encore plus de galons.

Toute cette brillante mise en scène est passablement ridicule pour diriger des travaux de terrassement que devront exécuter de pauvres diables aux vêtements des plus délabrés.

Elle me paraît surtout de fort mauvais goût, sous une république démocratique qui ne sait faire autre chose que de distribuer aux citoyens sans travail 8 francs par semaine, environ vingt-trois sous par jour pour les aider à ne pas mourir de faim, eux et leur famille. Encore sur ce misérable salaire, devront-ils prélever les dépenses nécessitées par l’éloignement de leurs chantiers de travail sur lesquels leur présence est exigée deux jours par semaine… sans d’ailleurs qu’on leur y fasse exécuter le moindre travail.

Cela n’en est pas moins pour le Trésor une dépense journalière d’environ cent vingt mille francs y compris la haute paie des états-majors.

Plus de quatre-vingt mille ouvriers se sont fait inscrire en quelques jours.

Cette dépense improductive et qui n’est plus ainsi, qu’une humiliante aumône, sert naturellement de prétexte aux criailleries des bons et égoïstes bourgeois, hurlant à tous vents que la République encourage la paresse et l’ivrognerie. Un peu plus, on nous accuserait