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C’est maintenant son journal qui tient le haut du pavé. On l’arrache aux vendeurs, qui ne savent auquel entendre.

Le Provisoire, lui aussi, a sa littérature. Il la fait afficher à profusion à tous les coins de rues, sur les palissades de tous les enclos et chantiers de constructions.

Après les décrets qui se succèdent fiévreusement, son premier morceau littéraire de quelque importance est une circulaire de Lamartine aux agents diplomatiques français. Dans une phraséologie pompeuse et vide, le lyrique auteur des Girondins invite ses agents à rassurer au plus vite les gouvernements auprès desquels ils sont accrédités.

Le gouvernement issu des barricades n’a que de pacifiques intentions. Il veut la paix au dehors comme l’ordre au-dedans. Il entend respecter les positions acquises. L’orage qui vient d’éclater n’aura point de répercussion et ne menace aucune tête couronnée. Enfin la République nouvelle, très bonne personne, s’efforcera de se faire pardonner son entrée un peu brusque dans le fameux « concert européen » si cher à messieurs les diplomates.

Il faut entendre analyser ce morceau pindaresque par Blanqui. Comme il en éclaire les hypocrites réticences et en expose les dangers !

Cette déclaration a pour premier résultat, en effet, d’enrayer aussitôt les mouvements qui, à la suite du nôtre, allaient se produire à Madrid, à Bruxelles, en Italie et jusqu’à Berlin.

Pour contre-balancer la triste impression causée aux républicains conscients, l’Hôtel de ville s’empresse de publier un second échantillon de style officiel.

Il annonce l’entrée en fonctions d’une commission spéciale — dite du Travail — siégeant au Luxembourg dans l’ancienne salle des séances des ex-pairs de