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une des salles du Conservatoire de musique. On n’y rit guère. Mais on y entend d’intéressantes discussions. Le plus souvent même, ce sont des exposés critiques de la situation faits par le président. Chacun de ses traits porte beaucoup et rend pensif plus d’un auditeur.

Barbès, lui, préside à la salle Montesquieu le Club de la Révolution. On y sent un égal dévouement à la révolution, mais on y déclame trop, on y fait trop de sentimentalisme.

Ce qui frappe et étonne dans la plupart de ces réunions c’est la platitude et la pauvreté d’idées de ceux des classes dites élevées qui se hasardent à prendre la parole.

Un soir, au club du Salon de Mars, rue du Bac, un monsieur à mine prétentieuse commence ainsi son discours :

« Citoyens, je n’ai malheureusement pas l’honneur de porter la blouse….. »

Indigné de cette bassesse, je me lève et décline tous les noms et qualités de cet ami de la blouse : c’est un certain marquis de G***, ex-pair de France et propriétaire d’un des hôtels du quartier Saint-Germain. On rit d’abord, puis le dégoût prend l’auditoire qui, demains en mains, fait lestement passer M. le marquis par la porte.

Ces scènes ne sont pas rares dans les divers quartiers de Paris.

L’exaltation de la blouse est devenue la rengaine des « républicains du lendemain », comme s’intitulent messieurs les conservateurs d’hier… et aussi d’aujourd’hui. Il en est même qui l’endossent sans vergogne.

À l’honneur des ouvriers, cette lâche flagornerie ne rencontre qu’un très petit nombre d’admirateurs et ses auteurs, lorsqu’on les démasque, reçoivent parfois de rudes leçons.

Plus encore que dans les clubs, l’essor prodigieux de la presse produit dans Paris une animation continuelle et inaccoutumée.