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tout en lisant son bréviaire, cocarde tricolore au tricorne ; Jésus-Christ, premier représentant du peuple, portant l’écharpe tricolore en sautoir ; la République présentée au monde par la Religion,… etc. Il y en a pour tous les goûts.

Après les prêtres, les magistrats. Tous ces pourvoyeurs de bagnes et d’échafauds qui, durant plus de trente ans, y envoyèrent impitoyablement les républicains, s’empressent de leur venir lécher les bottes, et accourent devant le juif Crémieux déposer l’assurance de leur plat dévouement, à la République. En retour, ils se voient renouveler ad vitam leurs fonctions de jugeurs.

Le maréchal Bugeaud qui, le 23, demandait qu’on lui donnât carte blanche pour organiser le massacre des Parisiens, vient à son tour offrir son épée au nouveau gouvernement. Le Provisoire, paraît-il, n’accepte pas. Pourquoi ? Ce refus me semble injuste.

À part ces bassesses inquiétantes pour l’avenir, Paris n’en à pas moins un aspect original, étrange surtout pour notre génération qui n’envisage que par les livres ce qu’il était durant la première République.

Quoi qu’on fasse à l’Hôtel de Ville pour en atténuer l’importance, le Parisien n’en prend pas moins au sérieux l’effort qu’il vient de faire pour rendre à la France son rôle initiateur.

Partout s’ouvrent des clubs, sans souci des ineptes plaisanteries des blagueurs de la presse réactionnaire sur la prononciation du mot à l’anglaise.

Ceux qui fréquentent ces réunions y sont attirés, les uns par simple curiosité et à cause de la nouveauté, les autres, soit pour y étudier les moyens d’organiser l’action révolutionnaire, soit pour se faire une idée plus nette de la République et de sa signification.

De tous ces clubs, celui présidé par Blanqui, l’inspirateur de la société secrète « les Saisons » sous Louis-Philippe et bien connu déjà des révolutionnaires, a un caractère tout particulier. Il tient ses séances dans