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mune. Les effets de mon refus ne se firent pas attendre.

On approchait de l’époque de la première communion. Or dans les campagnes comme dans les villes — voire aussi à Paris — cette solennité religieuse marque pour les enfants destinés à l’apprentissage, la fin de leurs études scolaires. Ce moment est donc impatiemment attendu par les parents, pressés de voir leurs enfants entrer dans la vie active, et ceux-ci ne le sont pas moins d’échapper enfin à de fastidieuses leçons.

Le dimanche qui suivit ma conversation matrimoniale, curé annonçait à ses paroissiens ou plutôt à ses paroissiennes, que ceux de mes élèves ayant l’âge tant désiré, qui continueraient à fréquenter l’école dirigée par impie seraient absolument repoussés de la « Sainte-Table » !

En vain le maire et quelques membres du comité local tentent de lui démontrer l’énormité d’une semblable décision, menaçant de porter plainte contre lui, le « soûlo » tient bon, se sentant maintenant appuyé par un de ses collègues du comité et prévoyant bien ce qui va arriver,

Ce fut, dès le jour même, en effet, une interminable procession de mères éplorées se succédant chez M. le maire pour obtenir mon renvoi.

Celui-ci ne voulait rien entendre à cet égard. Mais après tout, je n’étais que remplaçant ; le titulaire, effrayé, ne demandait pas mieux que de me voir partir. Je dus plier bagage, non sans avoir fait dûment constater les progrès accomplis par les élèves durant mes cinq mois de direction, progrès qu’attesta un certificat signé de la totalité des membres du comité local… le curé excepté.

Quelque dix ans plus tard, passant dans la commune, j’appris que le « soûlo » s’étant livré à des expériences scabreuses sur les enfants confiés à ses soins religieux, avait été arrêté peu de temps après mon