Page:Lefrançais - Souvenirs d'un révolutionnaire, 1902.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 18 —

— Ah ! c’est pour ça que tu me traites de voleuse, sale bête ! Eh ben ! t’en as menti, sais-tu ? J’te connais va ! et j’ai pris mes précautions.

Et tirant de sa poche un papier qu’elle fourre sous le nez de son aînée :

— Tiens ! v’là le papier de la mère. Lis-le tout haut entends-tu ?

Le papier signé de la mère, déclarait en effet que les quarante francs dont sa plus jeune fille semblait avantagée, avaient été payés sur les économies de celle-ci.

Tout hébétée de la révélation l’ainée ne sait que répondre, ce qui met fin au tapage.

Quelle estime et quelle affection ces braves gens ont, les uns pour les autres ! — Quels beaux sentiments l’héritage développe en eux !

Bientôt, un premier coup m’est porté et, cette fois par un des membres du comité local qui m’avait jusqu’alors le plus chaudement soutenu.

Possesseur d’une assez rondelette fortune — en terres, bien entendu — il s’était toqué de l’idée qu’il me ferait épouser sa fille unique, fort désireuse, paraît-il de se marier avec un instituteur quel qu’il fût — les grâces de ma personne n’étant pour rien dans la décision de la demoiselle.

Moi ou un autre, peu lui importe : elle veut un monsieur ; je me trouve à point, cela suffit.

Malheureusement, cela ne me suffit pas, à moi. Et puis, je commence à comprendre que je me plierais difficilement aux étroitesses d’un milieu où je ne puis me mouvoir sans heurter les gens ou sans être froissé. par eux.

Je n’eus pas l’air d’abord de comprendre les premières ouvertures du père ; je me retranchai ensuite derrière mon absolue pauvreté, puis enfin, poussé à bout par ses instances, je refusai net.

C’était un nouvel ennemi, plus dangereux encore que le curé par l’influence qu’il possédait dans la com-