mènerait bientôt au marché. Enfin, sur tout ce qui intéressait ces braves gens à plus juste raison que le mauvais latin bredouillé par le curé ou que les insanités qu’il débitait du haut de son « égrugeoir », comme les paysans nommaient irrespectueusement la chaire à prêcher.
Bien plus, me promenant un jour avec un adjoint, ce bonhomme m’interpellant brusquement ; « Ah ! ça, monsieur le maître, croyez-vous en Dieu ? »
Assez interloqué et soupçonnant quelque piège, je contente de lui répliquer : « Et vous ? »
— C’te farce ! reprit-il en riant.
Or cet athée est un des plus zélés fabriciens (marguilliers) de la commune.
Ah ! « les croyances naïves des bons villageois ! » C’est bien vraiment le cas d’en dire aussi : C’te farce !
Il en était de ces croyances comme de l’honnêteté dans les relations de famille.
Chargé d’établir les parts de terre à échoir à chacun es enfants d’une vieille qui, en mourant s’était, enfin décidée à faire du bien à ses enfants, selon la formule usitée, j’assistai un jour à une scène révoltante.
Aux plus grossières invectives qu’échangent gendres et fils mécontents des lots qui leur sont attribués et s’accusant réciproquement d’avoir soutiré des sous à la « vieille », les deux filles qui se disputent les nippes viennent joindre leurs injurieuses et aigres clameurs :
— Tu n’es qu’une voleuse ! vocifère l’aînée à la plus jeune.
— Quoi donc que j’t’ai volé ? réplique celle-ci.
— Tu nous a volé quarante francs ; j’ai la preuve.
— Quels quarante francs ?
— Ta robe de noce t’a coûté quarante francs de plus que la mienne ; v’là le papier, et tu vas nous rendre notre part, entends-tu ?
Et elle montre un double de la facture du marchand qui a vendu la fameuse robe !