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Cinq à six élèves payaient ce dernier prix. Cela me constituait ainsi un revenu annuel d’environ huit cents francs, auquel venait s’ajouter mon indemnité de logement — cinq francs par mois — la commune n’ayant pas encore de maison d’école.

Enfin, comme casuel, j’avais droit de me faire payer les extraits d’actes civils qu’on pouvait me demander en ma qualité de secrétaire de mairie, fonction inséparable de celle d’instituteur.

En cinq mois de séjour, j’en délivrai deux qui me rapportèrent ensemble 1 fr, 25 !…

Le fait que la commune n’avait point de maison d’école témoigne des beautés de notre centralisation administrative.

Quelques années avant la chute de Charles x, un ex-archi-trésorier du premier Empire, membre de l’Institut, Ecouchard Lebrun, dit Lebrun-Pindare, avait en mourant légué à la commune une parcelle de terrain, ainsi que la somme suffisante pour y construire une mairie-école, contenant aussi le logement de l’instituteur.

La révolution de 1830 survint avant que la commune fût autorisée à « accepter le legs ».

Le député de l’arrondissement, envoyé à la nouvelle Chambre, suspect d’attaches bourbonniennes, s’épuisa en de vains efforts pour faire sortir l’affaire des cartons du ministère où elle demeurait enterrée.

En 1844 seulement, le projet de loi nécessaire avait été présenté au vote de la Chambre, qui, sans délibérer, ne sachant pas même de quoi il était question, termina l’histoire par assis et levé. On avait mis plus de quinze ans pour y arriver !

Une fois autorisée, la commune avait eu à faire établir les plans et devis, puis à les faire approuver par le ministre — en passant par tous les degrés hiérarchiques d’usage. Enfin, chose plus difficile encore, à retirer de la caisse des Dépôts et Consignations la somme qu’y avait dû verser l’exécuteur testamentaire du défunt.