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risme étroit du ministre autoritaire dont elle portait le nom, cette loi était certes de beaucoup plus libérale que toutes celles qui lui ont succédé jusqu’à présent (1886).

L’instituteur primaire, en effet, relevait directement de la commune, représentée par un comité local composé du maire, du curé et de cinq notables désignés par le Conseil municipal et pris hors de son sein. — Ce comité avait droit de surveillance, et c’était sur son avis formel que l’instituteur était ensuite institué par le ministre de l’instruction publique.

L’État était représenté auprès du comité par un conseiller d’arrondissement qui, en cas de conflit entre la commune et l’instituteur, remplissait le rôle de juge de paix, sauf appel devant le conseil académique, qui prononçait en dernier ressort.

La révocation ou l’interdiction temporaire ou à toujours de l’instituteur, pour faits notoires d’inconduite ou d’immoralité, ne pouvait être prononcée que par le tribunal civil, toutes chambres réunies, constitué pour le cas en conseil de discipline.

En droit, l’instituteur avait donc une indépendance relative dans ses rapports avec l’État.

En fait, il en était tout comme maintenant, c’est-à-dire qu’il était subordonné aux influences locales avec lesquelles le pouvoir avait à compter. Quant à son action politique, le système électoral alors en vigueur la rendait absolument inutile.

Dès le jour de mon arrivée, je fis les visites d’usage.

Ma première fut pour le maire.

Ceint de l’écharpe depuis plus de trente ans, — il l’avait reçue de son père — ce magistrat municipal, un des plus riches cultivateurs du pays, m’accueillit avec cordialité et m’assura de son concours.

« Je connais trop les bienfaits de l’instruction, me dit-il, pour ne pas aider à la propager ».

Il savait, en réalité, à peine l’orthographe ; mais c’était déjà beaucoup pour un homme de son âge, à cette époque.

Puis il se lança dans les rengaînes chères, au libéraux