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d’élèves, en tenues des plus légères, se dirigeant vers un coin du dortoir en face duquel mon lit est placé.

Me soulevant à demi pour me rendre compte de ce qui se passe, je demeure stupéfait de dégoût.

Juste en face de moi se trouve un réduit affecté à un usage intime : il est absolument dénué de porte !

Dès l’ouverture de son bureau je vais trouver le directeur et lui demande des explications.

— Rien n’est plus simple — me dit-il — et tous vos collègues sont dans le même cas : c’est ma méthode ; ça facilite la surveillance !…

Une heure après, je reprenais le train pour Paris, me jurant d’examiner les choses de plus près à l’avenir.

À quelques jours de là, le père J…, dont Vallès a tracé le portrait dans son Bachelier, directeur d’une agence spéciale de placement pour les professeurs, me faisait entrer dans un petit pensionnat de la rue de Chaillot, celui précisément où se passent les premières scène du Jack d’Alphonse Daudet.

Le « Moronval » d’alors était un assez bon homme, échappé je suppose de quelque séminaire du Midi. Fort besogneux, il s’occupait plus d’affaires étrangères à sa profession, que de son institution, où il des paraissait à peine.

Cinquante francs par mois ; assez mal nourri, couché au dortoir — toujours ! — quatre soirées de libres par semaine et deux dimanches sur trois, après-midi ; telle était la situation que je partageais avec deux malheureux collègues, vieux forçats de l’Université, que cette vie de pions avait passablement abrutis et même dégradés.

Plus heureux que moi pourtant, grâce à leur titre de bachelier, ils conduisaient deux fois par jours leurs élèves aux répétitions du collège Bourbon, ce qui leur donnait quatre heures de liberté de plus par jour, qu’ils employaient du reste à la diable.

Grâce à la gêne constante de notre infortuné directeur,