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Ouvrant le volume, M. le préfet des études le feuilleta et finit par découvrir ce qu’il cherchait. Il me montra alors un passage compris entre une croix et un simple trait horizontal, tracés en marge au crayon.

— Voilà la leçon en question. Je vais vous accompagner et vous présenter aux élèves.

La présentation faite, il me remet le livre et m’avertit que chaque élève doit me réciter intégralement le passage indiqué.

— Mais je ne vois ni tableau noir, ni craie.

— Pour quoi faire ?

— Pour les démonstrations.

— Vous n’avez rien à démontrer.

— Comment ?

— La récitation suffit. Veillez surtout, je vous le recommande, à ce que chacun récite textuellement. M. le directeur y tient beaucoup. Cette méthode est excellente. Car de cette façon, les élèves peuvent changer de professeur sans que cela apporte le moindre trouble dans leurs études !

Je croyais rêver !

Plus âgé et moins naïf, l’air de conviction stupide de mon « préfet » et ses explications vaudevillesques m’eussent fort amusé. Mais après toutes mes anxiétés de conscience, c’était tomber de haut. Aussi ne pus-je m’empêcher de répliquer que le premier venu pourrait remplir le même office.

M. le « préfet des études », ahuri de ma remarque, s’en fut, sans répondre, continuer son inspection dans les classes.

La journée me parut mortellement longue, Je pus constater aussi — à l’heure des repas — que la nourriture était de même qualité que l’enseignement donné aux élèves.

Enfin l’heure du coucher arriva et, brisé d’ennui plus que de fatigue, je m’endormis assez vite.

Le lendemain, bien avant l’heure réglementaire, je suis réveillé par une insupportable odeur et un défilé