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Quant à mes sentiments politiques, bien que mon père, soldat du premier Empire, de 1806 à 1815, exécrât profondément Napoléon, je pourrais presque dire que ce fut moi qui le rendis républicain.

J’avais précisément puisé mes convictions premières dans les notions d’histoire que nous donnait le directeur de l’école de Versailles, M. Lebrun, fils du Girondin qui fit partie du ministère Roland et qui fut, comme tel, guillotiné à la suite du 31 mai 1793.

Ce directeur, bien que fonctionnaire de Louis-Philippe, avait encore assez de sang révolutionnaire pour que, nous retraçant à larges traits les principales scènes de la grande époque, il en fit vibrer les échos chez quelques uns de ses auditeurs, tant ces fils du dernier siècle, tout dégénérés qu’ils fussent déjà, avaient encore d’allure.

Inquiet des impressions que ses leçons avaient laissées, il tenta vainement ensuite de les effacer de mon esprit et ne me pardonna jamais d’avoir résisté à ses objurgations.

J’étais donc, je le répète, fort mal noté, grâce à lui, lors de ma sortie.

Aussi, tous mes camarades étaient déjà pourvus d’emploi, et j’en étais encore à me demander ce que je ferais de mon brevet de capacité.

À chaque fois pourtant qu’une commune faisait appel pour remplir une vacance, je renouvelais les démarche nécessaires pour être nommé, mais je n’étais pas même convoqué au concours d’admission.

Tout en me rendant compte des recommandations dont j’étais l’objet, je n’en persistais pas moins à vouloir poursuivre la carrière vers laquelle je me sentais attiré et je me décidai à entrer, en qualité de professeur de mathématiques élémentaires, dans une des plus importantes institutions de Versailles.

Cette institution comptait environ deux cent cinquante élèves, portant — par esprit de réclame — un uniforme des plus bizarres qui leur donnait un faux air de