Page:Lefrançais - Souvenirs d'un révolutionnaire, 1902.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



PREMIÈRE PARTIE




i


Sorti en septembre 1844 de l’école normale primaire de Versailles, où j’étais entré deux ans avant comme boursier de la Seine — après concours — en qualité d’élève maître, je me voyais déjà à la tête d’une école communale, entouré de marmots dont je rêvais de « faire des hommes », selon l’expression consacrée.

Naïve ambition ! bien excusable chez un jeune homme de moins de dix-neuf ans, qui prenait son métier au sérieux.

Malheureusement, malgré le succès de mes examens qui m’avaient valu le numéro deux sur une soixantaine de camarades de promotion, j’étais assez mal noté sous le rapport des sentiments religieux et politiques.

À dix-neuf ans peut-on avoir autre chose que des sentiments ?

En religion j’étais athée ; les savants seuls, en petit nombre encore, s’avouaient matérialistes. On pouvait, en ce temps, être à la fois athée et spiritualiste, tout bizarre que cela paraisse aujourd’hui.

Chez moi, l’athéisme n’était alors qu’une sorte de legs familial, mon père en ayant, pour ainsi dire sucé les principes dès les premières années de son enfance, passées auprès de son grand-oncle, l’astronome Jérôme de Lalande.