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car, disait-il, vous autres fous, vous êtes encore les hommes que j’aime le mieux. Avec vous, on peut travailler et rester soi-même. »

L’âge et l’expérience avaient confirmé Lefraçais dans son inclination. À côte des portraits de Delescluze, de Vermorel et de Varlin, parmi d’autres portraits de famille souriant à son cœur, on ne voyait plus, à la fin, épinglées aux murs de sa chambre, que les images de Bakounine, de Kropotkine et de Reclus, qui parlaient à son intelligence passionnée d’harmonie et de justice, le seul langage qu’elle comprit désormais.

Les dernières volontés de Lefrançais furent suivies, au delà peut-être de ce qu’il avait espéré,

Le dimanche 19 mai 1901, en effet, nous le conduisions au Père-Lachaise, en même temps que s’y rendaient les révolutionnaires en pèlerinage annuel au mur des fédérés. On eut dit qu’il y allait aussi, pour la dernière fois… Et de fait, il y alla,… il y alla sous le drap des membres de la Commune, à grand peine obtenu ; il y alla entre deux haies d’agents témoignant que la République est restée fidèle aux traditions de l’Empire.

Mais nous ne nous attendions pas à ce qu’il allât plus loin que son bucher…

Après l’incinération, comme nous sortions, nous vîmes de la cheminée du four crématoire, une tremblante fumée que la brise rabattit vers L’endroit où tombaient, en 71, les suprêmes défenseurs de la Commune. Si bien que la substance de notre grand ami, volatilisée, passaient dans le cortège saluant les héros et se mêlait à ce chant de l’Internationale, que précisément Eugène Pottier a dédiée à Lefrançais !

Mais il nous restait encore un devoir à remplir.

Lefrançais n’est pas seulement l’auteur d’une étude remarquable sur le mouvement communaliste et de diverses brochures parues à Neuchâtel et à Genève pendant les années d’exil. Il avait écrit encore des souvenirs