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bras ne manquaient pas, quoiqu’on ait pu dire. — Plus de deux cent mille ouvriers étaient sans ouvrage et, à défaut de leur patriotisme, la nécessité de gagner leur vie à un travail qui ne demande que de la force, les eût mis à la disposition du gouvernement.

On fit, il est vrai, un semblant d’appel en ce genre, mais par l’intermédiaire de prétendus entrepreneurs qui semblaient ne servir qu’à masquer les secrets desseins du gouvernement, résolu à une inaction préméditée.

Les ouvriers, dégoûtés d’allées et venues inutiles, que leur faisaient faire ces entrepreneurs, pour la plupart insolvables et dépourvus de l’outillage nécessaire, rétribués dérisoirement par ceux, bien rares d’ailleurs, qui les faisaient réellement travailler, ne répondirent bientôt plus aux appels qui leur étaient adressés dans les réunions publiques par des individus souvent inconnus et qui leur assignaient de faux rendez-vous. C’était bien là ce que voulait la direction de la guerre, fidèle exécutrice du plan Trochu, afin de pouvoir un jour retrancher son inaction derrière le défaut de bras.

Quant à l’armement, non seulement il se faisait avec une lenteur désespérante, mais les armes étaient généralement en mauvais état, et on faisait perdre en minuties d’exercice un temps précieux aux bataillons dont une grande partie n’alla jamais au tir, en sorte qu’un grand nombre de gardes nationaux ne purent jamais connaître la portée exacte de leur arme. En revanche, il est vrai, on leur faisait passer jusqu’à six heures par jour à présenter les armes ou à s’agenouiller en cadence à l’élévation, ou sur le passage du Saint-Sacrement[1] !

Il fallut que de nombreuses protestations s’élevas-

  1. Il nous souvient qu’un jour le bataillon auquel nous appartenions — le 22e, commandant Neel — fut appelé tout entier sous les armes, au parvis Notre-Dame. — Là, le commandant nous annonça qu’il nous avait réunis pour nous faire savoir que « ses sentiments religieux le forçaient à interdire qu’on fît circuler dans son bataillon une pétition tendant à la suppression du salaire des cultes ! » — Cette déclaration fut naturellement accueillie par les huées qu’elle méritait.