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six mois, les prolétaires paieront de nouveau de leur sang cette nouvelle expérience d’un gouvernement républicain, dirigé par des autoritaires « ne relevant que de leur conscience, » selon la formule chère à M. Jules Favre, dont M. Gambetta — il est bon de ne pas l’oublier — est à la fois l’élève et l’ami politique.

Est-ce là ce que veut la bourgeoisie républicaine ou qui se prétend telle ?

Sans nul doute, si ces perpétuelles hécatombes de travailleurs n’avaient pour elle certaines conséquences terribles qui commencent à lui faire faire de sombres réflexions.

Que le sang des ouvriers coule à flots dans les rues de Paris, elle n’y voit pas grand mal : cela épure la cité, en même temps que les bons principes s’en raffermissent. Mais le malheur vent que ces épurations successives appauvrissent du même coup, de tous les bras et de toutes les intelligences — généralement les meilleures et les plus vigoureuses — la production qui ne peut s’en passer.

Déjà, en juin 1848, trente mille ouvriers des plus intelligents de Paris, avaient disparu, frappés durant la lutte, massacrés après la victoire ou empilés par milliers dans les casemates des fortifications et sur les pontons de Brest et de Rochefort.

Mais voici qu’on a fait le décompte du bétail humain sacrifié sur l’autel de l’ordre et de la conservation des intérêts exploiteurs, et voilà l’effrayant tableau qui vient d’en être dressé et présenté au Conseil municipal de Paris, composé en grande majorité de gens qui ont applaudi à l’horrible sacrifice.

Dans ce rapport se trouvent consignés les chiffres suivants :

L’industrie de la cordonnerie parisienne a perdu douze mille ouvriers français, tués, emprisonnés ou en fuite ; on en comptait 24,000 avant le 18 mars, défalcation faite des ouvriers étrangers.