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En route, le commandant arrêta la colonne, car les obus pleuvaient.

« — Qu’on les fusille ici ! » crient les soldats ; « ce n’est pas la peine de nous faire esquinter pour cette vermine !… » Et nous avions plus peur des soldats qui criaient autour de nous que des boulets qui sifflaient tout près de nos têtes !

Enfin un officier aperçoit l’enfant et en a pitié. Il s’adresse alors au père en ces termes :

« — Il est probable qu’en arrivant là-bas, vous serez tous fusillés, » dit-il ; « il faut faire partir l’enfant[1]. Et dépêchons, » ajoute l’officier, « une fois hors de Paris il ne sera plus temps. »

 

L’enfant se sépare donc de son père, ou plutôt il en est arraché en quelque sorte et est renvoyé chez lui, livré à tous les terribles hasards dont il pouvait de nouveau devenir victime, au milieu de ces scènes de carnage[2].

Enfin ces malheureux arrivent le soir à Satory, lieu désormais noté d’infamie par l’histoire.

 

Nous étions parqués dans un espace enserré. Il y avait devant nous des murs crénelés et derrière ces murs, des soldats armés.

D’un autre côté, des mitrailleuses étaient braquées ; je n’en avais jamais vu. Un voisin demanda ce que c’était ; un gendarme répondit en bâillant :

— Ça, c’est les moulins à café ! C’est avec ça que demain on nettoiera la place…

…Des gendarmes nous ordonnèrent de nous coucher.

On obéit.

  1. Si l’on pouvait douter du parti pris de fusiller tous les prisonniers (afin de n’avoir point à les juger), cet aveu d’un officier nous paraît de nature à dissiper toute hésitation à cet égard.
  2. La fin du récit de cet ouvrier nous apprend que l’enfant échappa à tous ces dangers, et que son père, rendu à la liberté, le retrouva sain et sauf ; quelques soldats, moins féroces que leurs camarades, l’avaient rencontré et gardé au milieu d’eux.