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Que si l’on doutait un seul instant de ces horreurs, bien connues déjà cependant, tant elles ont été décrites, presqu’avec enthousiasme, par les journaux qui y applaudissaient, on se donne la peine de les relire dans ces feuilles sans vergogne, qui s’appellent le Figaro, le Gaulois, le Paris-Journal, la Petite Presse, le Petit Moniteur, la Patrie, le Constitutionnel et tant d’autres ! On verra si nous avons rien exagéré.

Nous nous contenterons d’insérer ici quelques fragments du récit d’un typographe — anti-communard, comme on dit — récit publié par le Gaulois, à l’imprimerie duquel cet ouvrier travaillait : il est significatif et sans réplique.

…L’imprimerie (du Gaulois) venait d’être envahie par les troupes de Versailles. Tous, nous croyions à la délivrance[1], mais notre vraie captivité devait commencer là. Sans nous entendre, les soldats nous poussèrent dans la rue et nous jetèrent pêle-mêle au milieu d’autres prisonniers qui passaient.

Je n’avais eu que le temps de prendre le petit dans mes bras et, tout en le portant[2], je suivis le flot au milieu duquel nous étions jetés. Il fallait obéir, car à tout ce que nous disions, on ne nous répondait que par la menace d’être fusillés sur-le-champ.

Cette menace n’était pas vaine, car on fit plusieurs exemples devant nos yeux.

 

Quand ce fut mon tour d’être interrogé (au parc Monceaux), on me conduisit devant un capitaine à qui je dis :

« — Je suis ouvrier coupeur dans une imprimerie et veuf depuis quelques mois, seul avec cet enfant. Je n’ai pas été de la garde nationale de la Commune, ni moi, ni mes quinze compagnons, à preuve que nous nous cachions et ne sortions plus de l’atelier. »

L’officier ne répondit que par ce mot :

« — À Versailles ! »

 
  1. Il va sans dire que l’ouvrier qui parle ici entend par là être délivré de la Commune.
  2. L’enfant de cet ouvrier, âgé de dix ans, venait à l’instant de rejoindre son père à l’imprimerie, la mère étant morte depuis quelque temps, l’enfant n’avait osé rester seul à la maison.