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Tony Moilin, fut assassiné, lui aussi, dans des conditions non moins épouvantables.

Tony Moilin, excellent oculiste, très instruit, paraît-il, dans son art, s’était épris des idées socialistes, qu’il envisageait surtout au point de vue sentimental.

Connu depuis 1868 pour sa participation aux réunions publiques, il s’y était fait aimer à cause même du caractère spécialement humanitaire de tous ses discours.

Au 18 mars, il avait courageusement pris l’intérim de l’administration municipale du 6e arrondissement qu’avait non moins bravement abandonnée son titulaire, élu le 7 novembre 1870, M. Hérisson, avocat à la Cour de cassation.

Les élections communales effectuées, les délégués à la Commune, pour cet arrondissement, en avaient pris la direction administrative, et Tony Moilin était, pour nous servir d’une expression du citoyen Ranc, « rentré dans le rang. » Il avait seulement conservé sa situation de chirurgien militaire dans un bataillon de fédérés.

Il semblait donc que la tempête ne dût l’atteindre du moins que très légèrement. Mais ceux qui avaient fui leur poste au 18 mars, ne l’entendaient pas ainsi.

Le malheur voulut qu’il se réfugiât chez un de ces amis timorés, trop nombreux, hélas ! en ces moments de crise, qui, au bout de deux jours, l’obligea à quitter cette retraite. Il rentra donc chez lui, où il trouva sa femme malade des scènes de pillage qui venaient de se passer chez elle, et des menaces de mort dont, avec sa domestique, elles avaient été poursuivies par une horde de misérables. La domestique, toute jeune encore, en est devenue folle ! — Un quart-d’heure après, Moilin était arrêté ; il fut aussitôt amené à la mairie qu’il avait, suivant le style d’alors, souillée de sa présence le 18 mars. Il fut condamné à être fusillé, comme l’un des chefs du socialisme, lui dit-on. Mais comme, depuis longtemps, il avait une compagne dévouée, on