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militaire, présidée par un général et chargée de choisir dans le tas, suivant la mine et la mise, les malheureux qu’elle livrait aux mitrailleuses[1]. Pas une rue de Paris ne fut exempte de ces affreuses scènes, et il semblait qu’on fût envahi par une horde de cannibales.

Il faudrait des volumes pour décrire minutieusement ces horreurs, dont la presse parisienne nous a laissé, cette fois, le témoignage écrit et d’autant moins suspect, qu’elle les trouvait généralement insuffisantes.

Aussi, laissant à ceux qui en auront l’héroïque courage, l’utile soin d’en recueillir les détails, nous nous contenterons de citer quelques-uns des traits qui font le mieux saisir l’absence de toute pudeur et de tout sens moral chez ces épouvantables « sauveurs de l’ordre. »

Dès le 21, après que les troupes versaillaises se furent emparées des hauteurs de Passy, plusieurs centaines de prisonniers étaient tombés entre les mains des soldats commandés par le marquis de Galiffet. — Cet homme donna l’ordre de faire sortir des rangs ceux des fédérés qui avaient plus de 40 ans. L’ordre exécuté, il les fit tous fusiller en ajoutant : « ils ont déjà vu juin 1848, ils n’en verront plus d’autres ! »

Le 25 au soir, alors que les fédérés avaient dû abandonner le 5e arrondissement, un piquet de soldats, commandé par un officier, se présente dans une maison de la rue d’Ulm, demandant M. Millière[2]. Comme ils redescendaient de chez le beau-père de celui-ci, où ils n’avaient pu rencontrer Millière absent, ce dernier les croisa dans l’escalier ; interpellé, il se nomme. Il est aussitôt entraîné place du Panthéon et là, trois fois couché en joue par ses assassins, qui se plaisaient sans doute à prolonger son supplice, trois fois il crie

  1. Voir le Figaro, le Gaulois, le Paris-Journal et autres journaux de police de cette époque.
  2. L’ex-député de la Seine, élu le 8 février.