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En juin 1848, les prisonniers étaient fusillés sommairement, la nuit, dans les Tuileries, dans le Jardin des Plantes, dans celui du Luxembourg, au Champ-de-Mars, et l’accès n’en fut permis au public qu’après qu’on eut fait disparaître avec soin les traces de toute cette boucherie humaine. Les journaux de l’époque nièrent constamment ces exécutions, ce qui rendit même plus tard toute recherche à ce sujet assez difficile.

Mais, en mai 1871, c’est publiquement, dans toutes les rues, sur toutes les places, dans tous les squares, que des milliers de pauvres gens furent égorgés. De malheureuses femmes, de petits enfants de moins de sept ans, furent traînés, à la vue de tous, loin de la demeure d’où on les avait arrachés, et littéralement mis en pièces par des mitrailleuses ; c’était ce que les soldats appelaient, dans leurs odieuses plaisanteries, les « passer au moulin à café ! »

Durant quinze jours, les journaux de toutes nuances décrivirent complaisamment ces épouvantables exécutions, que quelques-uns d’entre eux seulement, comme le Temps, l’Avenir national, le Siècle et l’Opinion nationale se contentaient de trouver « excessives ! »

Et, comme si le texte de ces journaux n’eût point suffi pour les dépeindre, toutes les revues illustrées continrent durant plusieurs mois des gravures retraçant les massacres. — Il nous souvient encore d’un de ces dessins représentant une pauvre femme, une pétroleuse ! demi-nue, adossée à un mur, et sur laquelle sont dirigés plusieurs revolvers. La femme est abîmée de douleur et de crainte à la fois.

L’effet de cette gravure est saisissant d’épouvante !

Par un reste de pudeur qui honore le dessinateur, celui-ci n’a pas osé faire les figures des assassins : il n’a dessiné que les avant-bras qui dirigent les revolvers sur la pauvre victime.

Durant quinze jours, le sang coula dans la Seine, par l’égoût du théâtre du Châtelet, le principal abattoir humain, où fonctionnait jour et nuit une Commission