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d’y pouvoir entendre l’écho des balles fusillant les défenseurs de la Commune[1] ?

Quel autre en effet que M. Thiers eût pu conduire à bien l’effroyable hécatombe qui se préparait ? Les sanglants lauriers de Cavaignac et de Bonaparte troublaient depuis longtemps son sommeil.

Eh quoi ! il avait enseigné en 1834, aidé de M. de Failly, alors simple lieutenant, l’art de massacrer en masse les malheureux assez imprudents pour demeurer dans le voisinage des barricades républicaines[2], et, ni en juin 1848 ni en décembre 1871, il n’avait pu, par une inexplicable fatalité, participer à ces écrasements de la « vile multitude, » et l’assemblée de Versailles aurait eu l’indélicatesse de lui retirer le moyen de prouver son énergie ! Le pauvre homme en fût mort désespéré !

Fort heureusement, la Droite, stimulée par les applaudissements de la Gauche, et honteuse de s’être laissé dépasser par les rancunes de celle-ci contre les Parisiens, ne poursuivit pas sa cruelle plaisanterie. Persuadée qu’en somme l’affaire était en bonnes mains ; satisfaite de lui avoir témoigné la rage qu’elle éprouvait d’avoir besoin de ses services, elle donna un vote de confiance à l’homme qu’elle venait d’injurier durant deux heures et qui venait à son tour de la souffleter sans pitié. — L’enthousiasme de la gauche toucha presqu’au délire. L’extermination de la Commune était enfin assurée.

Dix jours après — M. Thiers s’était seulement trompé de 48 heures dans ses calculs — la grande cité était envahie. Les massacres commençaient. La gloire du nouveau sauveur de la société allait surpasser celle pâlie

  1. La présence au Mont-Valérien, le soir du 24 mai, d’une partie de l’assemblée de Versailles et, entr’autres, d’un grand nombre de membres de la gauche, parmi lesquels MM. Langlois et Tolain, fut signalée dans le Paris-Journal (par M. Schnarb sans doute, grand ami de M. Langlois), et cette étrange assertion ne reçut aucun démenti que nous sachions de la part des personnes dénommées.
  2. Affaire de la rue Transnonain.