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nous l’avons relaté au commencement de ce chapitre, du caractère peu précis de ses attributions[1].

Nous fîmes remarquer à ce Comité que l’article 3 était formel ; lui donnait « tous pouvoirs, » et que c’était pour cela que 23 membres avaient voté contre son institution.

Alors se joua dans la Commune une comédie dont la moralité était au moins très contestable. Comprenant bien que l’abstention des vingt-trois amoindrissait singulièrement l’autorité morale du Comité de salut public, la majorité feignit de repousser l’interprétation que nous donnions à l’article 3. Comme pour indiquer qu’elle n’avait point voulu donner de pouvoirs absolus au Comité, elle s’empressa de nommer directement, avant de procéder à l’élection des nouveaux membres qui devaient remplacer ceux élus le 1er mai, d’abord le citoyen Delescluze à la guerre à la place de Rossel, et ensuite de confirmer le citoyen Jourde au poste de délégué aux finances, dont il venait de se démettre.

Ces nominations directes de délégués qui, d’après le décret d’institution, eussent dû appartenir au Comité de salut public — seul responsable devant la Commune — étaient une telle dérogation à ce décret et un retour si formel aux simples attributions des commissions exécutives précédentes, que la minorité, prise au piège tendu à sa bonne foi, se décida, dans le seul but de ne point entraver les agissements du nouveau Comité, à prendre part à son élection.

  1. À l’occasion des débats auxquels donna lieu la conduite du Comité de salut public, le citoyen Pyat fournit la mesure exacte de sa franchise et de sa loyauté politique. Le citoyen Wrobleski était accusé par Rossel d’avoir, en quittant son poste sans ordre, été cause de la surprise du Moulin-Saquet et de l’épouvantable massacre dont les fédérés avaient été victimes. — Wrobleski se justifia en produisant un ordre signé de Félix Pyat, qui lui enjoignait de se rendre ce soir-là au fort d’Issy. — L’auteur de cet ordre, comprenant bien que son ingérence intempestive le rendait responsable de ce malheur, n’eut pas le courage de reconnaître qu’il s’était à tort mêlé d’une affaire concernant la guerre, et se contenta de nier hardiment que cet ordre émanât de lui ; il fallut lui replacer sous les yeux l’ordre qu’il avait écrit et signé et qu’il niait avoir donné.