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pectante. Les Versaillais, soit que, de leur côté non plus, il ne leur eût été donné aucun avis à cet égard, soit qu’ils aient voulu abuser de l’erreur des fédérés, profitèrent du repos que ceux-ci leur laissaient et s’avancèrent sur les tranchées dont ils surprirent les défenseurs, s’en emparèrent facilement ainsi que du parc, et apparurent menaçants en vue du fort d’Issy dont la garnison ne pouvait comprendre cette attaque imprévue.

Le malheur voulut pour cette position qu’elle fût commandée par un homme dont le courage personnel fut mis en défaut par son inaptitude militaire. — Le citoyen Mégy, complètement dérouté en cette occasion et perdant tout sang-froid, fit évacuer précipitamment le fort, après en avoir fait tant bien que mal enclouer les canons[1].

Averti de ces faits par le commandant Mégy, le citoyen Cluseret s’était aussitôt porté sur Issy. Aidé des citoyens Vermorel et Trinquet, qui s’étaient courageusement empressés d’y accourir, il réussit, grâce à d’énergiques et persistants efforts, à redonner courage aux fédérés qui reprirent possession, vers quatre heures du soir, du fort abandonné.

Un fait curieux à noter, c’est que ce fort était resté complètement désert et, durant plus de quatre heures, à la merci des Versaillais qui n’osèrent s’y aventurer, le sachant seulement garde par un enfant âgé de dix-sept ans, le jeune Dufour, décidé à se faire sauter et les ennemis avec lui, dès qu’ils y seraient entrés.

Dans cette affaire, on le voit, le citoyen Cluseret n’était absolument coupable de rien de ce qu’on lui reprochait, et il eût suffi d’une simple et prompte enquête pour qu’il en fût disculpé.

Mais il ne faut pas oublier que Cluseret était devenu, nous ne saurions dire au juste pourquoi, la bête noire du Comité central, qui comptait de nombreux amis dans

  1. Cet enclouage fut d’ailleurs fait d’une façon si peu sérieuse, que, revenus de leur panique, les fédérés ayant repris possession du fort, purent remettre promptement en état de service les pièces qu’on s’était contenté d’enclouer avec de simples chevilles de bois !