Page:Lefrançais - Étude sur le mouvement communaliste à Paris, en 1871.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 19 —

avoir d’autre aptitude que de statuer sur des questions de fait ou de désigner des choix de personnes, au mieux des intérêts communs, et que c’est à ce titre précisément que tous y doivent être appelés. Ils s’imaginèrent d’élever ce mode d’action à la hauteur d’un principe et, lui subordonnant le Droit lui-même, proclamèrent le suffrage universel la loi suprême, inattaquable dans ses effets et déterminante de tous droits !

Le droit s’annihilant par cela seul qu’il s’exerce ! La liberté mise en puissance de se suicider ! La justice et la morale, subordonnées au nombre, à une question de majorité ou de minorité ! Tels étaient donc l’alpha et l’oméga du parti qui prétendait être le représentant de la grande idée, pour la réalisation de laquelle la France avait donné le plus pur de son sang depuis tant d’années !

Cette affirmation du suffrage universel érigé en principe, et devant les décisions duquel devait s’incliner toute revendication du droit violé, doctrine anti-philosophique et anti-sociale s’il en fut, devint, hélas ! la source de nouveaux et de plus terribles malentendus et, plus que jamais, se rouvrit l’ère des coups d’État et des révolutions violentes auxquels le parti républicain avait cru naïvement mettre fin.

Un publiciste dont, à défaut de moralité politique, on ne peut nier la sagacité ni la logique, fit de suite entrevoir ce qu’allait devenir entre les mains des partis monarchiques cette nouvelle religion du suffrage universel, en posant cette question aux républicains :

« Le suffrage universel étant un principe supérieur, chacun doit s’incliner devant ses décisions. Or, si la Constituante que le peuple va élire se refusait à ratifier votre proclamation anticipée de la République, que feriez-vous ? »

Pris au piège de leur maladresse et de leur inconséquence politique, les républicains autoritaires en furent réduits à arguer de ce sophisme — étant donnée