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gouvernement de Versailles et l’assemblée dite nationale commençaient sans pudeur leur œuvre de rage et de destruction contre la grande cité.

Oubliant le discours qu’il avait prononcé en 1840, en réponse à ceux de ses adversaires qui combattaient son projet de fortifier Paris ; oubliant que dans ce discours, il avait éloquemment flétri à l’avance ceux qui prétendraient profiter de ces fortifications pour en diriger les feux sur la ville, M. Thiers venait d’en faire commencer le bombardement.

Les anciennes batteries établies au sud et à l’ouest de Paris par les Prussiens, avaient été remises en état. Meudon, Brimborion, Breteuil et le Mont-Valérien vomissaient incessamment leurs projectiles incendiaires sur l’ancienne banlieue, devenue inhabitable de ce côté. Dès le 5 avril, il n’était plus permis aux Parisiens de s’aventurer sans danger au delà du rond-point de l’allée des Veuves, aux Champs-Elysées !

Une telle furie et les applaudissements qu’elle excitait dans toute la majorité monarchique de l’assemblée eût dû, ce nous semble, ouvrir enfin les yeux aux prétendus républicains de la gauche qui, presque tous, eussent pu se rappeler le triste rôle qu’on leur avait déjà fait jouer en juin 1848. — Eux non plus, hélas ! n’avaient ni rien oublié, ni rien appris. En présence des épouvantables malheurs qui se préparaient, voici l’inepte déclaration qu’ils n’eurent pas honte d’adresser à leurs électeurs :

Le temps n’est pas aux longs discours, lorsque le canon gronde ; et là où les passions se heurtent, la voix de la raison n’a guère de chance d’être écoutée. Cependant, nous ne saurions, nous, représentants de Paris, membres de l’assemblée nationale, garder le silence à la vue des malheurs nui accablent notre pays, à la vue de Paris dans l’abandon et dans le deuil. Il y a quelque chose de trop poignant dans la tristesse que l’effusion du sang français nous inspire ; nous souffrons trop, par la pensée, des souffrances de Paris, condamné, après la cruelle épreuve d’un siège héroïquement soutenu, à une épreuve plus cruelle encore, pour que