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avec les détenus du 31 octobre et y restèrent empilés huit jours, sans feu (il neigeait par les fenêtres de la salle de Donjon où ils étaient enfermés), couchés pêle-mêle sur une surface d’à peu près 150 mètres carrés, et littéralement dans la fange la plus immonde. L’un d’eux, le citoyen Tibaldi, détenu pour le 31 octobre, et qui avait enduré toutes sortes de tortures physiques et morales à Cayenne, où l’empire l’avait tenu durant treize ans, déclarait qu’il n’avait encore rien vu de semblable. — Les traitements infligés depuis à des milliers de prisonniers à Versailles devaient pourtant dépasser toutes ces horreurs[1] !

Après avoir été transportés de Vincennes à la Santé, où ils restèrent quinze jours dans des cellules sans feu et dont les murs suintaient l’eau, à ce point que ni le linge ni la literie n’y pouvaient demeurer secs, ils furent ensuite conduits à Sainte-Pélagie, où ils durent attendre encore deux mois le jugement des conseils de guerre auxquels on les livra.

Enfin, le dénoûment du drame lugubre commencé le 4 septembre approchait. Le gouvernement dit de la Défense allait consommer son œuvre de trahison, sûr maintenant que rien ne l’en pourrait empêcher.

Le 28 janvier, Paris apprenait que, sous forme d’armistice, il était livré aux Prussiens !

Paris était livré sans autre réserve que l’ajournement de l’entrée du vainqueur dans la grande cité. Cette entrée triomphale, le roi de Prusse ne la voulait prudemment que lorsque la paix étant arrachée à la peur de l’assemblée, convoquée sous le feu de l’ennemi.

  1. Parmi les détenus du 22 janvier, nous rencontrâmes le citoyen Delescluze, arrêté et jeté, lui aussi, dans cet enfer, contre toutes traditions, seulement comme rédacteur en chef du Réveil qu’on venait de supprimer. Delescluze, âgé de 65 ans, débile, déjà atteint d’une bronchite aiguë, sortit mourant de prison aux élections du 8 février, qui t’envoyèrent siéger à l’assemblée de Bordeaux.

    Enfin, un ouvrier, le citoyen Magne, arrêté au moment où il rentrait chez lui, sortant de son atelier et déjà malade, mourait un mois après à Sainte-Pélagie, victime du traitement qu’il avait enduré.