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Quand les oiseaux, charmés de leur voix rajeunie,
Sèment, dans l’air joyeux, leur volante harmonie,
Et qu’amoureux du jour, mille insectes légers
Vont bercer leur réveil aux rameaux des vergers !

Mutilé par le sort, sans foi dans ses miracles,
Je sais même un martyr, qui cède à ces oracles.
La saveur du printemps, son haleine de fleurs,
Se glisse dans ses traits, et vient sécher ses pleurs
Un aimant parfumé vers la terre l’attire.
Il semble respirer, avec l’air qu’il respire,
Non pas la vie, hélas ! c’est pour lui le malheur :
Mais cet oubli paisible, où finit la douleur.
On dirait qu’averti par une voix secrète,
Il entend, à pas sourds, venir la mort qu’il guette
Cet espoir glacial ranime sa vigueur,
Et jette, sur son front, le calme de son cœur.
Ainsi quand, fatigué d’une mer éternelle,
Colomb, des matelots, vit la main criminelle,
Enchaîner, à leurs mâts, son génie imprudent,
Le grand homme captif, les yeux vers l’occident,
D’un air sûr et tranquille, attendait le rivage ;
Car il avait senti passer, sur son visage,
Des brises de la côte un message plus frais,
Et l’air était rempli d’une odeur de forêts.
Égarés, comme lui, sur les déserts de l’onde,
Peut-être nous vient-il aussi d’un autre monde,