Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/70

Cette page n’a pas encore été corrigée

Comme nous bien souvent, nos moissons accomplies,
Foulons aux pieds les fleurs que nous avons cueillies.
Ah ! ne grandissez pas, pour fouler, comme nous,
Des bleuets du sillon les rustiques bijoux.
Laissez-nous nos sentiers semés d’or et de fanges :
Ce n’est qu’en vous voyant que l’on peu t croire aux anges.
Grandir ! eh, quels trésors pourront valoir, un jour,
Ces milliers de joujoux cassés avec amour :
Et quel livre jamais vous tiendra sa promesse ;
Si bien que Barbe-bleue, ou l’adroite Princesse !

Que j’aime les enfants et leur crédulité,
Leurs éternels pourquoi, leur curiosité,
Contente à peu de frais, mais toujours en haleine !
Le soir, sur mes genoux, quand la nuit est prochaine,
J’aime à m’entendre dire : Aujourd’hui, conte-moi
L’histoire d’un mouton, ou bien celle d’un roi.
Hélas ! mon pauvre enfant, je ne sais pas d’histoire,
Et je n’ai pas un seul… mouton dans la mémoire ;
Mais ces excuses-là sont un mauvais moyen,
Et les bonnes raisons ne valent jamais rien.
On-refuse vingt fois : puisa la vingt-cinquième,
On sent qu’il faut se rendre à la voix que l’on aime :
Et c’est ce que l’on fait (pas toujours sans dépit),
Avec un grand enfant, comme avec un petit.
Alors j’invente un conte : et quand je dis, j’invente,
Je mens : je me souviens d’un conte, que je vante,