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Et cependant, ami, prêt à laisser la rive,
Où gémit si long-temps ma tristesse captive,
Je sens que ces adieux, qui me manquent dé foi,
Se détournent de vous, pour vous parler de moi.
J’ai revu froidement cet hymne d’amertume,
Ces vers rougis au feu d’un courroux qui s’allume,
Où la lime a laissé la rouille du poison :
Ils m’ont paru bien durs, au jour de la raison.
Est-ce un crime, après tout, si digne decolère.
Que de ne plus aimer ce qui cesse de plaire !
De ce monde incertain éphémères colons,
Y faisons-nous toujours tout ce que nous voulons ?
Du tissu de son cœur examinant la trame,
Est-ce à moi, qui l’aimai, de juger cette femme !
N’a-t-clle pas suivi sa pente en me quittant,
Comme j’avais suivi la mienne en l’écoutant ?
Est-ce sa faute enfin d’être née infidèle ?
Je sens que j’ai mal fait de m’irriter contre elle.
Dans le moment sans doute abîmé de douleur, ,
On redresse ses dards sous les pieds du malheur :
On s’en prend de son mal à l’objet qui le cause ;
Mais quand le mal s’endort, et quand le cœur repose,
Faut-il, de son courroux ramassant les débris,
D’un passé qui s’en va recommencer les cris ?
Non, c’est trop : quand je penscàlafaiblessehumaine,
Je sens que je rougis de mes heures de haine.
J’ai déjà de f’amour abjuré le souci :
Ma colère s’éloigne, ct j’y renonce aussi.