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Les fleurs ont commencé, sous une tiède haleine,
A jeter leurs festons aux pommiers de la plaine :
Les oiseaux endormis se sont tous réveillés :
Les ruisseaux ont couru d’insectes éniaillés :
Et j’ai vu le soleil, sur notre part du globe,
Laisser traîner les plis et le feu de sa robe :
Adieu tous mes projets d’être sauvage et dur !
Comment maudire encor quand le ciel est si pur !

C’est en vain, mon ami, qu’au milieu du feuillage,
Qui baise ma fenêtre, où le linot ramage,
Je voudrais rallumer tous mes ressentiments,
Et jeter dans mes vers l’aigreur de mes tourments,
Je ne puis pas : le soir est si brillant ! L’aurore,
Jetant sur l’horizon son voile qui le dore,
De diamants si purs étoile mon jardin :
L’abeille est si joyeuse à son premier butin,
Les papillons si frais : des fauvettes si gaîes
Montrent leur tête noire aux buissons de mes haies,
Que je me cherche en vain un reste d’âcreté ;
Je respire dans l’air un parfum de bonté.
Je ne puis que bénir la nature que j’aime :
Son repos producteur est rentré dans moi-même.
Je me reprends encore à rêver d’avenir,
A compter sur des blés, qui ne peuvent venir.
Je suis tranquille enfin dans ma mélancolie :
Je ne pardonne pas, mon ami… mais j’oublie.