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J’y vivrai seul ! le bruit d’une gaité fiévreuse
N’y viendra pas troubler l’écho de ma chartreuse.
Peut-être qu’on oublie, et que je l’oublirai.
Je ne la verrai plus !… hélas ! j’y penserai :
Oui, long-temps, plus long-temps que je ne veux le croire ;
Je sais trop, à part moi, jusqu’où va ma mémoire.
En face du public, on fait le brave, on rit ;
Mais en face de soi le cœur reste contrit,
Et l’on meurt. Je sais trop ce que valent ses charmes :
Rien d’elle n’a de droit au respect de mes larmes :
Mais j’ai cru si souvent que j’aimerais toujours !
Que mes jours ténébreux vont me paraître lourds !
Quand des champs autrefois j’admirais la parure,
C’est que son Irais sourire éclairait la nature :
C’est que je croyais voir ses regards adorés,
Étoiler de bouquets le gazon de mes prés :
C’est que je voyais tout à travers son image.
Eh ! qui sait maintenant, si, malgré mon veuvage,
Les grottes, les rochers, les étangs, les forêts,
N’ont pas gardé pour moi l’empreinte de ses traits !
Que faire, si partout, sur la terre complice,
Il me faut rencontrer son ombre, et mon supplice :
S’il faut, de l’univers, qu’elle m’aura gâté,
Voir des vapeurs de haine embrumer la beauté !