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Qu’il tombe, et tout à coup, perdant son indolence,
En cercles de brouillards l’eau trouble se balance,
S’inquiète, s’irrite : et lente à se rasseoir,
N’offre plus à nos yeux qu’un orageux miroir.
N’agitez pas la coupe, et l’orage s’efface :
Le fiel précipité déserte la surface :
L’eau reprend son sommeil et sa limpidité.
Mais qu’attaquant soudain son immobilité,
De quelqu’autre mélange on y verse une goutte !
Le poison rappelé reconnaîtra sa route,
Et, du fond du cristal, reviendra sans effort,
D’un nuage vaseux troubler l’eau jusqu’au bord.
Hélas ! et c’est ainsi que calme en apparence,
L’âme garde toujours un limon de souffrance.
Un souffle qui la frôle y ramène des pleurs :
Tout le vieux sédiment de nos vieilles douleurs
Vient agacer du cœur les sourdes cicatrices :
Et remuant en bloc tout son marc de supplices,
La mémoire, aux aguets de ce qui l’a blessé,
Embourbe le présent d’un dépôt du passé.