Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/533

Cette page n’a pas encore été corrigée

Quelle scène imposante, aussi mâle qu’auguste !
Quelle vigueur de jet ! quelle base robuste !
Cette scène, elle seule, est un draine complet :
Et c’est un temple aussi que cet humble chalet,
Dont le Libérateur bannit le Parricide.
Que j’aime à voir saillir, sous sa forme rigide,
Ce Brutus-paysan d’un valet d’empereur !
Que le prince, à ses pieds, est petit de terreur !
Avec quel ascendant sa fierté pastorale
Écrase, sur ce Iront, la couronne ducale !
Dans le chemin du sang l’un et l’autre jeté,
Le prince est descendu, quand le pâtre est monté.
Quelle distance aussi sépare leur langage !
Le crime armorié mendie un patronage,
Il se courbe, il se plie aux pieds de la vertu ;
Il lui dit toujours vous, l’innocence dit Tu.
Mais bientôt dans son cœur de pâtre et d’homme libre,
Un mot de repentir rétablit l’équilibre :
Quand l’homme, par ses pleurs, remonteau rang d’humain,
Le montagnard sent fuir, de son vieux cœur germain,
Cette âpreté d’accent, qui touche à l’inclémence :
L’égalité renaît où le remords commence.
Colosse palpitant, cette scène d’airain,
Comme une œuvre de Dieu garde un port souverain.
Si les marbres vivants, qu’a sculptés Michel-Ange,
Marchaient, ils auraient seuls cette grandeur étrange.
Voyez-vous l’iungfrau secouer, dans les airs,
Son casque d’avalanche et son cimier d’éclairs,