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Attendez, que la terre ait cessé de pleurer :
Je chanterai peut-être, au lieu de soupirer.
Tout est sombre à présent : voilà pourquoi ma lyre,
Pourquoi mon âme est triste, et ne sait pas sourire.

Le printemps maintenant rajeunit nos buissons,
Le torrent ne dort plus sous le joug des glaçons :
Avec le renouveau voici les hirondelles,
Qui baignent dans nos lacs la pointe de leurs ailes,
Et le gai loriot, rossignol du matin,
Qui fait luire au soleil ses plumes de satin !
Voici de fleur en fleur l’abeille qui butine :
Chaque rayon du jour éveille une églantine !
Mon esprit cependant a gardé sa langueur,
Et l’hiver engourdi ne me sort pas du cœur :
J’ai changé de tristesse, et non pas d’habitude.
C’est que la prévoyance est une morne étude,
Qui jette un long drap noir sur toutes les saisons ;
L’âme sans avenir n’a pas deux horizons.
L’ennui fane, en naissant, nos plus pures délices,
El de nos plus beaux champs dévore les prémices :
Voilà pourquoi je pleure, et pourquoi mon amour,
Quand le soleil revient, n’en sent pas le retour.
Qu’on craint peu l’infortune, au sortir de l’enfance ! Incrédule aux combats, j’oubliais la défense.